vendredi 28 février 2014

Vocation d'Abraham

1.       Introduction :

Lisez Genèse 12,1 à 3. Quelle est la finalité de l’appel d’Abram ?

-          Faire de lui une grande nation
-          Faire de lui une bénédiction pour toutes les familles de la terre

Dès le début de l’histoire d’Abram, la fin est inscrite. L’appel d’Abram dépasse largement sa personne et le cadre de son histoire personnelle. Il va au-delà du peuple qui va naître à travers lui. Ce qui est visé dès le début n’est pas seulement le bien d’Abram, mais celui de l’humanité entière.

Toute la Bible est le récit de la façon avec laquelle Dieu a accompli la promesse qu’Il a faite à Abram lors de son appel : Romains 4,16-17 : référence à la promesse de l’appel – Galates 3,13-14. Aussi, Jésus donnera-t-il une place importante à Abraham dans ses enseignements : Matthieu 3,9 ; 8,11 ; 22,32 ; Luc 13,16 ; Luc 16,22 à 31 ; 19,9 ; Jean 8,39-40.56 à 58. Marie et Zacharie citent Abraham dans leur hymne : Luc 1,55.73. Bien qu’il y ait eu des hommes de foi avant lui, Abraham est toujours identifié comme le point de départ de la foi qui est celle de tous les croyants. C’est en lui que l’alliance de Dieu en vertu de la foi commence : Actes 3,24-25 ; Romains 4,11-13.16 ; Galates 3,7-9. Abraham est un point de départ si important que aucun détail de son vécu ne relève du hasard. Tout a valeur d’enseignement et d’application :
-          L’état dans lequel il était quand il reçut la promesse : Romains 4,10
-          La lignée qui héritera de la promesse : Romains 9,7
-          Le genre employé quand il a reçu la promesse : Galates 3,16
-          La place des deux femmes qu’il a eues : Galates 4,21 à 25
-          La valeur des personnes qui croisent sa vie définies en fonction de sa position à l’égard de chacune d’entre elles : Melchisédek : Hébreux 7,1 à 4 – Lévi (les lévites) : Hébreux 7,5 à 10
-          La place des œuvres dans la vie de ceux qui croient : Jacques 2,21 à 23
-          La position de la femme croyante à l’égard de son mari croyant : 1 Pierre 3,1 à 6

« Abraham occupe dans le plan de la rédemption de Dieu une place bien plus importante qu’Abel, Hénoch ou Noé. Bien que ces trois hommes fussent bons, ils n’étaient bons qu’en tant qu’individus. Ils ne pouvaient changer la situation de péché. Abraham fut le premier homme que Dieu utilisa pour renverser la situation de péché… La rédemption fut accomplie par le Seigneur Jésus, mais elle commença avec Abraham. Jésus est le centre, Abraham le point de départ… Dieu ne bénit pas les nations de la terre directement. Mais plutôt, Il les bénit par Abraham. Dieu fait dépendre la bénédiction des nations de la terre d’Abraham… Dieu définit par Abraham ce qu’est l’œuvre de la foi : Il amène un homme à croire et, à partir de ce croyant, d’autres croyants sont engendrés. Le principe de Dieu est d’agir d’abord sur un individu puis d’engendrer les autres par lui. » W. Nee

Lisez ensuite Genèse 11,1 à 9, l’épisode de la tour de Babel :

-         Quelle finalité poursuivait les décideurs de la construction de la tour de Babel ?

Le but de la construction de la tour de Babel était l’unité de la race humaine autour d’un lieu et d’un même projet : v 4 et 6. Par ce projet, les humains voulaient ériger à la face de Dieu quelque chose qui symbolisait leur force commune, leur grandeur (un peu comme les tours énormes construites aujourd’hui)

-         Pourquoi cette finalité, à votre avis, n’a pas plu à Dieu ?

Dieu n’était pas tant contre le projet d’unité de la race humaine que contre l’objectif qu’il visait et les motivations qui en étaient la source. Le projet de Babel n’est pas définitivement sorti de la pensée de l’humanité. Il rejaillira à la fin des temps sous le règne de la bête qui finira par fédérer le monde entier sous son autorité : Apocalypse 13,4.7.12.14.16. Pas étonnant dès lors que la capitale spirituelle du monde de cette époque portera le nom de Babylone : Apocalypse 18,10

-         Quelle mesure Dieu a-t-il prise pour faire capoter le projet ?

Il prit une mesure simple et efficace : il confondit les langues, ce qui rendit impossible l’unité de pensée des hommes réunis à Babel. Dès lors, l’unité de pensée ne fut plus jamais possible. Les hommes se dispersèrent géographiquement mais se distancèrent aussi les uns des autres par des conceptions mentales contradictoires : philosophies, religions, idéologies…

« Dieu a brisé le miroir de la pensée unique… Chaque peuple n’en a retenu qu’un fragment, plus ou moins large. Chaque peuple ne voit ainsi qu’un morceau du tout, jamais la totalité. C’est ce qui explique les divergences qui opposent les conceptions des nations en ce qui concerne la religion, la philosophie, l’art, les sciences et l’histoire, opposition d’où naissent souvent de mutuelles contradictions : Bettex. »

-         Que nous dit la mesure que Dieu a prise sur la façon dont il conçoit la question de l’unité de l’humanité ?

Dieu s’oppose à toute unité de l’humanité qui soit une uniformité. L’unité que souhaite Dieu est celle qui est à l’image de Sa Personne : une unité respectant la diversité.

Quel lien peut-on faire entre la finalité du projet élaboré en Genèse 11 et la finalité de l’appel d’Abram ?

L’appel d’Abraham est sa réponse au projet d’union de l’humanité mis en œuvre au pays de Shinéar et qu’il a fait capoter. La même finalité est visée, mais l’esprit, le principe directeur et les moyens mis en œuvre différent totalement. L’unité humaine sans Dieu ne peut se faire qu’autour d’un dictateur, en l’occurrence à l’époque Nimrod : Genèse 10,8-11. L’unité conçue par Dieu se fera autour de Christ, le fils de l’homme, l’anti-Nimrod, un héros à l’opposé des héros humains.

Que nous dit l’appel d’Abram sur la façon dont Dieu envisage l’unité entre les familles de la terre ?

Cette unité est impossible si Lui n’en est pas le centre. C’est ce que révéle la vision finale du royaume de Dieu : Apocalypse 7,9-10

2.      Abram : le personnage

Lisez Josué 24,2 ; Actes 7,2 à 4 ; Genèse 12,1 à 9

Quelles sont les choses qu’Abram a dû quitter pour répondre à l’appel de Dieu ?

Il a dû quitter son pays, la maison de son père, mais aussi ses dieux. Actes 7,2 à 4 semble souligner que le père d’Abram l’a suivi d’Ur jusque Charan. Il y a donc eu une halte dans le cheminement d’Abram vers Canaan, une halte qui dura suffisamment de temps pour qu’il s’enrichisse : Genèse 11,28 à 31 ; 12,5. Ce n’est que lorsque le père d’Abram est décédé qu’Abram s’est senti libre de poursuivre sa marche vers le pays promis.
« Abram entendit deux fois l’appel de Dieu, une fois à Ur et l’autre à Charan. Le premier appel ne l’amena qu’à mi-chemin. Le second appel le mena jusqu’à Canaan. Nous devons sans cesse remercier Dieu parce qu’il n’abandonne jamais ! C’est sa persévérance avec nous qui rend réalisable Son projet avec nous ! : W Nee. »

Quel lien faites-vous entre ce qu’Abram a quitté sur le plan physique avec ce qu’un disciple de Christ quitte pour répondre à son appel ?

Suivre Christ implique le détachement de tout ce qui façonnait notre identité jusqu’alors. Nous nous séparons de la vaine manière de vivre de nos pères : 1 Pierre 1,18, de la foi qui nous habitait auparavant : Actes 26,4-5. Nous considérons le lien qui nous unit à Christ et à la famille de Dieu comme plus fort que les liens du sang : Matthieu 12,48-49 ; Luc 14,26.

Qu’est-ce qui n’était pas prévu dans l’appel et qu’Abram a pris avec lui ? Quelles leçons en tirez-vous ?

Deux éléments non prévus se sont joints à Abram lors de son départ : son neveu Loth et Térah son père. Tous les deux seront source de frein et de difficultés futures  pour Abram. L’obéissance à l’appel de Dieu implique que nous partions dans les conditions voulues par Dieu. Tout ce que nous emportons avec nous en plus et que Dieu n’a pas prévu s’avère pour la suite source de problèmes : cf Nombres 11,4 : le ramassis de gens qui se trouvait au milieu d’Israël.

A quel moment Dieu adresse-t-il la parole à Abram ? Que peut-on apprendre de Dieu sur sa façon de se révéler et de communiquer à ses serviteurs ?

Dieu se révèle à Abram à chaque étape d’obéissance. Il parle à Abram avant qu’il parte pour lui dire d’aller en Canaan. Puis il lui parle à nouveau lorsqu’il est arrivé à l’endroit qu’il a désigné. Dieu ne nous dira rien de nouveau pour notre vie tant que nous n’avons pas obéi à la parole qu’il nous a déjà fait connaître. C’est l’obéissance qui est la condition d’une révélation plus grande de Sa volonté dans nos vies.

Quel est le contenu de la 2ème promesse de Dieu faite à Abram ? Quand se réalisera-t-elle ? Quelle leçon en tirez-vous ?

Il lui promet de donner le pays à sa descendance. Il faudra plusieurs siècles jusqu’à ce que la promesse se réalise vraiment (Josué et Juges). Les promesses de Dieu s’accomplissent toujours. Mais nous ne devons pas fixer d’avance le temps où elles se réalisent. Dieu ne ment pas, même si ce ne sera pas la descendance directe d’Abraham qui occupera le pays : cf Exode 12,40.

3.      1ère errance d’Abram

Lisez Genèse 12,10 à 13,4

-         Quelle est la cause de la décision d’Abram d’aller en Egypte ?

La cause extérieure est la famine qui survint dans le pays. La cause réelle est l’incapacité d’Abram de faire face à cette difficulté autrement qu’en quittant le pays dans lequel Dieu lui a ordonné d’être. La famine, circonstance éprouvante sur laquelle Abram n’a pas de prise, est en fait le moyen que Dieu utilise pour faire entrer Abram dans l’école de la foi. Car la foi n’est pas juste le principe par lequel on entre dans l’alliance de Dieu. C’est aussi celui par lequel on doit désormais apprendre à vivre et marcher dans ce monde.
Que nous apprend la famine sur les moyens que Dieu utilise pour nous faire entrer dans l’école de la foi ? La famine nous dit que le croyant n’échappe pas aux difficultés auxquelles doivent faire face, dans leur vie terrestre, les autres hommes. La différence tient au fait que ces difficultés sont didactiques, c’est-à-dire qu’elles sont des outils de Dieu pour éduquer le croyant dans la foi. L’école de la foi commence souvent par des choses simples, communes (le chômage, une difficulté financière, de santé…). Elles iront petit à petit dans la vie d’Abram dans un degré croissant de difficulté jusqu’à ce qui sera l’épreuve suprême : la demande par Dieu du sacrifice d’Isaac.

Abram commet une double faute en quittant Canaan pour se rendre en Egypte. La première est qu’il quitte le pays de la promesse, ce qui l’oblige à devoir assumer par lui-même sa sécurité. N’ayant plus au fond de lui l’assurance que Dieu est avec lui dans sa décision, il est pris par une crainte qui sort tout droit d’une supposition, celle selon laquelle il est en danger de mort si les Egyptiens apprennent que Sara est sa femme. Il oblige donc Sara à mentir sur sa véritable identité.

Abram obtient ce qu’il désire. Il est traité avec égard. Il arrive qu’en suivant une voie de désobéissance ou d’incrédulité les choses s’arrangent mieux pour nous qu’en suivant la voie de la foi. Mais c’est aux dépens de tous ceux de son entourage : Sara lui est ôtée et emmenée dans la maison de Pharaon. Le Pharaon et sa maison sont frappés par Dieu et, finalement, il est chassé du pays dans lequel il s’est réfugié pour fuir la famine. Notons la manière d’agir de Dieu dans la circonstance :

-          Il reprend Pharaon pour sa faute, mais Il l’éclaire aussi. Pharaon n’est pas seulement frappé. Il sait pourquoi il l’est
-          Il reprend Abram par Pharaon. Quand le chrétien pèche, il arrive souvent que c’est le non-chrétien qui le reprend et lui dit ce qu’il aurait dû faire et ne pas faire.
-          Il sauve Abram du piège dans lequel il s’était enfermé par sa propre faute. Abram peut récupérer sa femme, ses ânes, ses bœufs et ses servantes et reprendre sa marche là où il avait bifurqué.

L’erreur d’Abram ne sera pas sans conséquence pour la suite. Il aura été un mauvais exemple pour Loth, son neveu qui, plus que lui, va exceller plus tard dans l’art du compromis. Il quittera l’Egypte avec un cadeau empoisonné dans ses bagages : Agar l’égyptienne : Genèse 16,1. Il n’y a aucune désobéissance à Dieu qui ne soit bénigne.


lundi 10 février 2014

La Personne de Dieu : fondement de la doctrine de la prédestination

1. INTRODUCTION :

Peu de doctrines que celle dont nous allons parler ce soir ont opposé les croyants au cours des siècles ou provoqué nombre de divisions entre des frères. C’est donc à la fois avec hauteur et prudence qu’il nous faut aborder le sujet. Le fait que le sujet soit si passionné prouve aussi d’une certaine manière qu’il n’est pas anodin. Croire à la prédestination n’est pas simplement croire à une belle idée philosophique. C’est croire à une vérité qui a des implications fortes sur la manière dont nous concevons notre relation avec Dieu, sur la façon dont nous voyons l’homme et sur la façon dont nous comprenons notre salut.

Puisque la Bible parle en de nombreux passages et donne de nombreuses preuves directes ou indirectes de la réalité de l’élection et de la prédestination, il m’est impossible de ne pas y croire. Encore faut-il comprendre ici de quoi nous parlons et, surtout, de quoi nous ne parlons pas. Une des grandes difficultés à laquelle ceux qui croient à la prédestination ont à faire face lorsqu’ils rencontrent quelqu’un qui y est opposé ne vient souvent pas de ce qu’ils croient, mais de ce que les autres déduisent de ce qu’ils croient.

Ainsi entend-on dire, par exemple, que si nous croyons à la prédestination des élus, nous croyons aussi à celle des damnés. Ou que si nous croyons à la prédestination, nous nions la réalité de la responsabilité humaine. Nous allons y venir tout à l’heure ! Je vous dis cependant déjà d’avance que ce n’est pas le cas, chez la plupart de ceux qui croient à la prédestination. Ils n’adhèrent ni à l’idée que Dieu prédestine les perdus comme il prédestine les sauvés et, encore moins, que l’homme n’a aucune responsabilité dans ce qui lui arrive, aussi bien en ce qui concerne la foi que le refus de croire.

De quoi provient chez la majorité le malaise liée à la doctrine de la prédestination ? De trois choses :

a.       La première tient à la difficulté que nous avons de vivre avec des paradoxes. Un paradoxe est une proposition qui contient ou semble contenir une contradiction logique. Chacun de nous, je pense, un jour ou l’autre, a voulu s’attaquer à la formation d’un puzzle. Le puzzle ne réussit que lorsque l’on arrive à imbriquer parfaitement des pièces éparses les unes dans les autres.

L’homme n’aime pas les paradoxes, pas plus que nous ne sommes satisfaits lorsque nous n’arrivons pas à faire un puzzle. L’homme aimerait par sa raison tout comprendre, tout concilier, tout maîtriser. Et lorsqu’il se trouve face à deux vérités, aussi fortes l’une que l’autre, mais inconciliables, il ne peut l’accepter. Soit il arrange l’une pour qu’elle colle à l’autre (en ce cas les pièces vont bien ensemble, mais elles ne sont plus celles d’origine), soit il les met ensemble par la force pour faire le constat peu de temps après que cela ne tient pas.

Avant d’aborder la question que nous allons aborder, il nous est nécessaire de comprendre qu’il existe dans la Bible de nombreux paradoxes irréconciliables pour la raison (G. Verwer en a dénombré au moins 70). Pour cette raison, la Bible ne nous demande pas de vivre notre vie avec Dieu par la raison, mais par la foi. Nous devons prendre les vérités de la Bible telles qu’elles se présentent à nous, non pas telles que notre raison voudrait qu’elles soient.

« Car mes pensées ne sont pas vos pensées, Et vos voies ne sont pas mes voies, Dit l’Eternel.  Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, Autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, Et mes pensées au-dessus de vos pensées : Esaïe 55,8-9. »

Nous sommes avertis : il y a un gouffre infini entre la façon de penser de Dieu et la nôtre. Le but de Dieu en se révélant à nous n’a jamais été de tout dire sur Lui :

« Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu : 1 Corinthiens 13,12.

Dieu nous a révélé juste ce dont nous avions besoin pour notre foi et pour marcher ici-bas avec Lui. Mais, comme Dieu l’a montré à Job qui Lui demandait des comptes, des milliers de choses nous échappent encore.

Il ne nous est pas possible de faire entièrement coïncider l’idée de la prédestination avec celle de la responsabilité humaine. Les deux idées se trouvent pourtant dans la Bible. Au lieu de forcer les choses, recevons-les de Dieu comme Il nous les donne. C’est dans l’éternité et non ici-bas que le puzzle se fera parfaitement.

b.      La seconde difficulté tient à l’injustice apparente à laquelle semble conduire la doctrine de la prédestination. Si Dieu choisit de toute éternité ceux qu’Il sauve, il n’y a pas égalité de chance pour tous, disent les opposants. Je ne répondrai pas maintenant à cet argument. Je veux juste dire que la Bible n’élude pas cette impression :

Tu me diras : Pourquoi blâme-t-il encore ? Car qui est-ce qui résiste à sa volonté ?  O homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire avec la même masse un vase d’honneur et un vase d’un usage vil ? : Romains 9,19 à 21.

Le sentiment d’injustice que l’homme ressent repose sur un fondement, celui du droit. C’est quand l’homme se sent privé d’un droit qu’il réagit en disant qu’il y a injustice faite à son égard. La question qui se pose donc ici est donc la suivante : l’homme a-t-il droit au salut ou le salut est-il entièrement le fait de la grâce de Dieu ? Dieu peut-il être mis au tribunal de l’homme et accusé d’injustice parce qu’Il n’a pas donné à tous la même possibilité de salut ? Ou ce droit auquel prétend l’homme est-il infondé et totalement imaginaire ?

Nous voyons qu’à ce sujet Paul ne donne pas raison à l’homme dans sa revendication. Aux prétendus droits de l’homme, Paul oppose le droit de Dieu d’être souverainement libre dans l’attribution de Sa grâce. Qui est l’homme pour exiger quoi que ce soit de Dieu ? Est-ce le potier qui est maître de l’argile ou l’argile qui impose au potier ce qu’il doit faire avec elle ?

c.       La troisième difficulté tient à l’humiliation que représente pour l’orgueil humain l’idée de la prédestination. Qui s’intéresse un peu au passé ne tardera pas à faire un constat affligeant. Alors que tous les écrits du passé, que ce soient ceux des pères de l’Eglise, tels Saint Augustin, Irénée, ou ceux des Réformateurs tels Luther, Calvin, Alexandre Vinet, Théodore de Bèse, Guillaume Farel, César Malan ou ceux des Puritains, tels John Bunyan, Thomas Watson, John Flavel, John Owen ou des hommes de Réveil, tels Charles Spurgeon, Ruben Saillens, Adolphe Monod, Jonathan Edwards mettent l’accent sur une haute idée de Dieu, l’enseignement de l’Eglise, sous l’influence de l’humanisme et des Lumières, a de plus en plus donné de l’importance à l’homme au détriment de Dieu.


2. Dieu : identité et prérogatives

La question de la prédestination étant totalement rattachée à l’identité de Dieu, c’est inévitablement vers elle qu’il nous faut d’abord nous tourner pour la traiter avec justesse. Qui est Dieu ? Quelles sont Ses prérogatives ? Qu’est-ce qui distingue Dieu de tous les autres êtres qui existent et qui fait qu’Il est unique ? J’aimerais pour le comprendre lire quelques textes.

a.       Exode 3,14 : Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Et il ajouta : C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Celui qui s’appelle "je suis" m’a envoyé vers vous.

La première chose que Dieu dit de Lui-même lorsqu’il se présente à Moïse est qu’il est un Dieu intemporel. Pour Dieu, qui est éternel, il n’y a ni passé, ni futur. Tout se joue au présent. Alors qu’il n’existait rien, Dieu a fait le monde. Avec le monde est née la notion du temps : il y eut un soir et un matin… Cette notion du temps qui passe ne s’applique pas à Dieu. Elle ne concerne que ceux qui vivent dans le monde. Pour Dieu, l’éternité, la création du monde, celle d’Adam, l’histoire d’Abraham, de Moïse, de David, la venue de Jésus, l’Eglise, vous et moi nous faisons partie d’un seul et même Aujourd’hui pour Dieu.

Une image peut nous aider à comprendre cette réalité. Imaginez ce matin que vous soyez à côté de la ligne de chemin de fer qui se trouve à 100 mètres de notre salle. Parce que vous êtes en bas sur la terre, vous vous trouvez à la hauteur du train. Lorsque le train arrivera, vous verrez passer la locomotive, puis le premier wagon, puis le second, puis le 3ème… Imaginez maintenant que le train que vous voyez passer ait 18 250 wagons. 18 250 représente environ le nombre de jours qu’une personne de 50 ans aura vécu.

Tant que nous sommes sur terre, nous sommes comme les passants qui, au bord du chemin de fer, voient passer un wagon après l’autre. Imaginons maintenant que nous nous élevions à plusieurs centaines de mètres du sol. Nous ne voyons plus un wagon après l’autre, nous voyons l’ensemble du train. Le train n’est plus séparé en plusieurs parties, il est un tout unique. Si nous nous élevons encore plus haut, nous ne verrons pas qu’un train, mais tous les trains ensemble en même temps. Si nous montons encore plus haut, nous ne verrons pas seulement dans un seul regard tous les trains, mais la terre sur laquelle roulent les trains. Puis, si nous montons encore, nous ne verrons pas seulement la terre, mais l’univers dans lequel se meut cette terre. En fait, plus nous montons en hauteur, plus ce que nous estimions grand à notre dimension devient dérisoire. Plus ce que nous voyions auparavant comme distinct, séparé devient un ensemble. Or, Dieu n’est pas seulement quelqu’un de plus haut que nous. Il est le Très-Haut, Celui qui se tient au-dessus de tout ce qui est créé, y compris le temps.

Telle est la vision que Dieu possède de la réalité. Alors que pour moi, la journée de demain correspond au wagon qui n’est pas encore passé, pour Dieu toute ma vie n’est qu’une seule réalité. Et ce n’est pas seulement toute ma vie, mais toute l’histoire. Et ce n’est pas seulement toute l’histoire, mais ce qui était avant que l’histoire ne commence, avant que le monde ne fût.

C’est Moïse qui le dit dans le psaume 90 : « Seigneur ! Tu as été pour nous un refuge de génération en génération. Avant que les montagnes soient nées et que tu aies créé la terre et le monde, d’éternité en éternité tu es Dieu : Psaume 90,1-2. D’éternité en éternité : cela signifie qu’il n’y a dans le monde de Dieu ni passé, ni présent, ni futur. Tout se situe dans un aujourd’hui continuel qui n’a ni début, ni fin.

Si telle est la réalité dans laquelle vit Dieu, nous n’avons aucune difficulté à comprendre certains textes que nous lisons dans le NT : Ephésiens 1,4 ; Romains 8,30. Ces textes traitent le sujet de notre vie en Christ du point de vue de Dieu, de sa réalité à Lui qui se situe hors du temps. C’est pourquoi, bien que des choses fassent encore partie de l’avenir pour nous (être glorifié), il en est parlé comme si c’était déjà du passé. Notre glorification fait partie du même aujourd’hui pour Dieu que notre création.

b.       Exode 33,18-19 : Moïse dit : Fais-moi voir ta gloire ! L’Eternel répondit : Je ferai passer devant toi toute ma bonté, et je proclamerai devant toi le nom de l’Eternel ; je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde.

Après avoir souligné le fait qu’Il vit dans un présent perpétuel, la deuxième vérité que Dieu avance à Moïse est qu’Il est un Dieu plein de bonté, mais qu’Il est aussi un Dieu souverainement libre dans l’attribution de Sa grâce. S’il y a en effet un attribut de Dieu qui fait que Dieu est Dieu, c’est-à-dire unique et distinct de tout autre être, c’est la souveraineté. La souveraineté de Dieu est la qualité selon laquelle Dieu est, par son existence même, libre de toute dépendance. Dieu n’a besoin de personne pour vivre, être et exister et et n’est redevable de ses choix, de ses actes et de ses décisions à personne. Tout ce que Dieu fait et donne, Il le fait par pure bonté et générosité. Lorsqu’on dit que Dieu est souverain dans l’attribution de Sa grâce, cela signifie que nulle obligation, nulle contingence, pas même notre repentance, ne le contraint à nous faire grâce. C’est ce que Dieu exprime lorsque, se présentant à Moïse, il dit : Je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde. Otez de Dieu la prérogative de la libre souveraineté et vous dépouillez Dieu de ce qui fait l’essentiel de sa divinité.

Cette souveraineté de la grâce de Dieu se voit et se lit facilement dans la façon avec laquelle Dieu appelle les hommes à son service :

Genèse 12,1 : Le Seigneur dit à Abram : Va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi.

Qu’a fait Abram pour être l’objet d’un tel projet et d’une telle promesse de la part de Dieu ? Rien ! Tout est dû à la volonté souveraine de la grâce de Dieu. Cette grâce n’est pas seulement libre, elle et même contraignante.

Exode 3,11 : Moïse dit à Dieu : Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël ? Dieu dit : Je serai avec toi.

Jérémie 1,5 à 7 : Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu fusses sorti de son sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations. Je répondis : Ah ! Seigneur Eternel ! Voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant. Et l’Eternel me dit : Ne dis pas : Je suis un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai.

De tous les hommes que Dieu a appelés par Sa grâce libre et souveraine, Il a choisi Paul pour en illustrer le principe

1 Timothée 1,15-16 : C’est une parole certaine et entièrement digne d’être reçue, que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier. Mais j’ai obtenu miséricorde, afin que Jésus-Christ fît voir en moi le premier toute sa longanimité, pour que je servisse d’exemple à ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle.

S’il y a un homme qui, dans l’Ecriture, était mal disposé envers Dieu, au moment où Il fut choisi par Dieu, c’était Paul. Paul n’était pas dans les dispositions requises pour se converti. Il respirait la menace et le meurtre et n’avait qu’une seule chose en tête : éradiquer le nom de Christ de la surface de la terre. La conversion comme l’apostolat de Paul n’a qu’une seule explication : la libre souveraineté de la grâce irrésistible de Dieu envers lui. De son propre témoignage, Paul n’en pense pas autrement :

Galates 1,15-16 : Mais, lorsqu’il plut à celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les païens, aussitôt, je ne consultai ni la chair ni le sang.

c.       Esaïe 42,8 : Je suis l’Eternel, c’est là mon nom ; Et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, Ni mon honneur aux idoles.

Mis à part l’éternité de Dieu et Sa libre souveraineté, une 3ème raison justifie dans la Personne de Dieu le fait que notre salut ne soit pas dû à nous, mais à la grâce de Dieu seule. C’est l’idée que ce qui motive Dieu en toutes choses est la manifestation de Sa gloire. Dieu est jaloux de Sa gloire (de l’honneur qui est attaché à Son nom) plus que de toute autre chose. Dieu a choisi Israël par grâce, mais Il s’est retiré d’Israël à cause de Sa gloire (c’est ce dont témoigne Ezéchiel). Jésus n’a jamais fait preuve de violence durant toute sa vie, sauf une foi : lorsqu’Il a vu ce qu’on faisait de la gloire de Dieu dans le temple.

La gloire de Dieu étant au centre de Son dessein, il est impensable que ce qui en fait la pièce maîtresse, le salut, ne soit pas attribué à la seule gloire de Dieu. Or, pour que ce soit pour la gloire de Dieu, le salut ne peut s’opérer que d’une seule façon : du début à la fin par pure grâce. C’est d’ailleurs ce que dit Paul :

Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie : Ephésiens 2,8-9

Que signifie concrètement le fait que nous soyons sauvés par grâce et que cela ne vient pas de nous ?

-          Le fait que sans une action intérieure et souterraine du St Esprit dans le cœur, il est impossible à quelqu’un de croire en Christ et de se tourner vers Lui :

Actes 16,14 : L’une d’elles, nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire, était une femme craignant Dieu, et elle écoutait. Le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle fût attentive à ce que disait Paul.

-          Le fait que la nouvelle naissance n’est pas le produit d’une décision humaine :

Jean 1,12-13 : Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.

Croire en l’œuvre de la grâce dans le processus du salut, c’est ne plus croire au libre arbitre. Si c’était le libre arbitre qui décidait de la décision finale du salut, la gloire n’en reviendrait pas à Dieu, mais à l’homme.

Or, selon de multiples passages de l’Ecriture, l’homme est dans un état spirituel trop catastrophique pour choisir de lui-même de se tourner vers Dieu. Il est mort dans ses fautes et ses péchés, habités par un esprit de rébellion, soumis au prince de la puissance de l’air, esclave de Satan. Il est aveugle, impie, sans force, incapable de comprendre les choses spirituelles. Seuls l’éclairage et la conviction que fait naître l’Esprit dans le cœur peut susciter en l’homme la réponse de la foi

Qui devient chrétien dans le monde ? La réponse est donnée de plusieurs manières dans les actes :

Actes 13,48 : Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent.

Actes 2,47 : Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.

De même que celui qui naît dans ce monde est au bénéfice d’un processus qui lui échappe, Jésus précise que la nouvelle naissance est un phénomène sur lequel l’homme n’a aucune prise. Elle est l’œuvre de l’Esprit : Jean 3,6 et 8 : Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit… Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit